Tape
Au bal du rat mort
CANAL DU MIDI
Trotte l'âme
Canal du midi
( L’auteur prévient : toutes ressemblances avec des personnages réels ou ayant existés- quant à leurs faits et gestes, leurs postures un peu ridicules et leurs dires pittoresques- ne seraient que pures vérités, assommantes réalités… voire au dessous du vraisemblable. Et seule la célèbre phrase du Christ sur la croix: « Pardonne-les, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » lui semble convenir aux situations, ci-dessous exposées !)
-Philou, tu ne peux pas refuser… On va s’éclater comme à Ostende, au Bal du
Rat Mort(1)…tu te rappelles ?
Oh oui pour ça je me rappelle…Le voyage, le road-movie aux fragrances
désordonnées des vins confusionnés de Navarre! Le bal et la belle Yvette
dans son châle de fortune…puis…puis le commissariat, la garde à vue et le
violon !
Feeloo qui ahanait sa remise en liberté en anglais et en vers
Shakespeariens ( Enfin il essayait parce qu’il y avait des myriades de
fuck au milieu des sonnets… et que même en V.F dans le texte, je n’en avais
pas fait lecture ! Ensuite, Gib qui voulait –je cite le poète !- sodomiser
l’officier avocat commis à notre endroit, afin de nous arracher des griffes
de la justice Belge… simplement parce qu’il avait entraperçu la femme du
sus nommé- elle -aussi avocatessa de profession mais surtout hyper bonne-
et qu’avec cette intervention ou frappe chirurgicale, il pourrait un peu
se rapprocher d’elle et de son paradis… (sic)
Enfin, le procès en comparution immédiate alors que Fabio racontait au
juge l’histoire de la grenouille qui faisait des fellations inoubliables.
Le juge l’a mal pris quand le zélé inspecteur l’a questionné à son tour,
lui demandant si sa femme avait pensé à la lui offrir pour son
anniversaire. Bon il n’était pas obligé d’en rajouter une louche, pourtant
il a trouvé bon d’inaugurer à l’unique intention du magistrat :« Elle est
(1) Au bal du Rat mort (version courte en 1000 mots ou longues avec révélations fracassantes)
radine ta femme, face de poisson pané », en sourdine-mais pas
suffisamment !- dans sa barbe naissante de trois jours… c’est à dire une
steppe de poils épars !
La totale, je vous dis: Outrage à la famille royale et à leurs animaux
domestiques, offense à agents, bafouille sexiste à juge dans l’exercice de
ses fonctions et viol virtuel sur avocat commis d’office « avec femme
bonne »… 15 jours de prison ferme ! Une éclaircie au tableau : La prison
d’Ostende était accoudée à la mer du Nord et on entendait, sertis
d’aurores, les chevaux de la mer se fracasser la tête la première…Léo nous
accompagnait d’ un peu de sa mélancolie de bienséance ! Elle était, somme
toute, assez reposante cette diète : on y recouvrait nos esprits endoloris
et policés au flamisch flamand. On allait bien ! On n’avait pas soif !
C’était pas si souvent ! Et quoi encore…ah oui le stage pénitentiaire: une
Résidence fashion… Un jour, alors que nous revenions d’un match de foot, on
entendit gémir puis crier Feeloo dans les douches. Il n’a jamais voulu nous
dire pourquoi…juste qu’il tenait dans la main une savonnette déformée sous
le coup d’une intense émotion (la savonnette, je veux dire !). Il nous a
juste dit, qu’originaire du Sud-Ouest, il préférait le rugby ! Pendant le
séjour d’ailleurs, il était souvent accompagné du rugbyman trois quart-
aile : le numéro 15 de l’équipe de la prison ( Pourquoi le 15 me direz-
vous ? Parce que le détenu en avait pris pour 15 ans suite à une agression
purement physique et anglophobe : Le gus détestait la cuisine anglaise
depuis que Tony blair cuisinait Irakien, à ce que l’on a su en fin de stage
et il aimait le faire savoir à qui de droit! Mais il jouait bien au rugby
m’a dit Feeloo !)
-Ah Philou, Le Rat Mort c’était grandiose, répercuta l’écho de Gib dans son
entremise de conviction, surtout au moment des présentations. Et puis tout
est de ta faute après tout !
-Ben voyons, une fois !
-Si tu ne m’avais pas dit au moment de l’ouverture des hostilités-euh
non des festivités- de faire l’Elvis des Mille et de gueuler en stéréo.
Rappelle-toi tes propos mon Philou : « T’es pas cap de monter sur scène,
d’arracher le micro des mains du bourgmestre d’ Ostende et d’insulter sa
famille royale »…enfin, tout ça ne serait pas arrivé. J’étais pacifiste ce
soir-là, moi…
- Ben voyons… deux fois ! Etais –tu obligé de choisir ce vocabulaire
châtié, de hurler : J’ encule le roi où qu’il soit !. Où qu’il est le roi ?
Et sa femme… J’encule sa femme, je baise sa fille, je reprends la grand-
mère et ses morts, j’atomise le chien… » (Reconnaissez avec moi qu’il a du
vocabulaire et qu’il connaît ses synonymes le Millois…)
-Oui mais moi j’avais juste parler du roi! Et puis l’autre con,tu crois que
c’était la peine qu’il te suive pour faire des vocalises jazz à la Monk en
répétant :“I fuck the king, I fuck your mother and the sisters and the
brother… et ron et ron petit patapon… yeh yeh et where is the dog?… et ron
et ron”
- Ah ouais génial, téméraire, audacieux le Feeloo
- Ben voyons trois fois ! tu parles d’audace… Génial génial tu peux le
dire... Et lorsque Fabio a déclaré solennel à l’assemblée du balleti, tout
feu tout flamme, chevauchant le micro, complètement bourré lui-aussi à
cause des effluves qu’il avait d’abord croisées puis inhalées (je parle du
micro bien entendu!) :
« Je suis l’inspecteur-pecteur et je vous intime l’ordre de déposer sur
l’estrade votre déclaration d’impôt et fissa ! Bon, il y a bien eu 6 ou 7
contribuables du royaume retors qui se sont précipitamment éclipsés. Il va
vérifier tout ça l’inspecteur-pecteur ! Tu vas voir comme il va être
content Nicolas le nain ? On va se les faire ses cons de belges pas vrai
Philou ?.
C’était un peu beaucoup… ou simplement le plus petit dénominateur commun
qui me ramena au centre de l’épicentre !
- Je ne comprends pas ta perplexité Philou. On est en vie nous autres !
Regarde-les vivre tous ces riches… Perclus de bonheur, ils passent leur
journée chez Madame Psy.
- D’accord, t’as pas tout à fait tort ! Elle consiste en quoi ton
échappé belle ? Et puis non ! Non est en plein inventaire des sorbets au
Bourgogne. L’autre idiot a trouvé une nouvelle recette, un nouveau mélange
au Romanet- Conti… Pour une fois qu’il ne se croit plus au impôts et qu’il
travaille un peu…
-On parle de moi, si j’ai bien compris. D’abord je vous emmerde !( Vous
l’avez reconnu c’est Fabio et sa morgue d’inspecteur-pecteur qui entre
en scène). Oui mon sorbet, il est fini et disons-le proche de la perfection
absolue! J’ai aussi goûté celui de Feeloo : son sorbet farandole de vins en
Bordelais…il est bon…sans plus… Et quelle appellation ridicule : je t’en
foutrais moi des farandoles !
-Salut Fabrice… J’essaie de convaincre ce con de notre projet de voyage,
et il minaude, il fait sa fille, il me gave quoi…essaie-toi !
-Ecoute Fabio ! Je tente d’expliquer à Gib que depuis que nous sommes
devenus les chefs d’entreprises respectés que nous sommes…et bien, nous
nous devons à la responsabilité, à la ponctualité, au rayonnement…corps et
âmes !
-Ta gueule, me firent Gib et fabio à l’unisson…ce en quoi ils n’avaient pas
tort
-Ecoute-moi bien Philippe, foi d’Arretti sur le mont de Vénus…D’ici
deux jours on sera au Cap d’Agde… Laisse-moi t’informer que Kojack sera
voiture suiveuse, enfin camping-car de ravitaillement…et qui dit Kojack dit
cave… Qui dit cave dit vin.. Tu me suis…tu me suis ou pas ?
-Quoi ? Ton père nous escorte avec partie de sa cave…et tous les chianti ?…
et les Barolo ? Ah oui… Ah quand même, ça donne à réfléchir !
- Qui a dit partie ? Toute sa cave…Et tous mes Charlie Hebdo… Alors là
tu la boucles hein ? Et mon père à huit heures, on le couche…au moins
on est tranquille, on pourra picoler !
et Gib :
-Et puis Phi tu as vu comme part mon Sorbet au pastis et amandes amères
sur son drap de muscade…un vrai succès ! Les créations à la Gib, ça
paye…pas vrai Fabio ? Rien que hier, on en a vendu 5O ! On a pas pris un
jour de vacances depuis que nous sommes devenus des entrepreneurs glaciers…
- Gelataio Gib… Glacier, c’est pour ces abrutis de français. Ils font
des glaces comme ils cuisent les pâtes c’est dire !
- Basta Fabrice, on la connaît ta litanie de rital exproprié !
-Tiens il est là lui… Content de te revoir Feeloo. Il est comme la
pomponette dès qu’il entend deux accords de Chet , il se barre… Ca ne te
dérange pas de nous laisser seuls avec les clientes…et avec Gib qui branche
tout ce qui passe… Ta gueule Gib ! Même la vieille cagole du dessus…d’à
côté…Tu crois qu’on ne les voit pas tes minauderies de marseillais constipé
du style « pas vu pas pris »! Un petit rappel s’impose sur le comment de la
naissance de notre nouvel esprit stock-option, de notre essor dans
l’économie mondialisée…Un petit rafraîchissement s’impose, j’insiste ! Non
je n’ai pas de Cassis frais au frigo, Fabrice et ne me dis pas que c’est
pour le domaine recherche, salopard !
C’est à ce moment là que Feeloo déposa une citation de dernière les fagots,
qui change la face des êtres et des choses et dont la lucidité laisse un
peu pantois :
« Ecoutez les mecs, on y va au canal du midi ! On se déchargera du réel à
la face du monde, on l’enterrera sous nos coups de pédales, on en fera des
confettis … On jettera le stress en pâture aux échalotes. Il chialera dans
son coin et nous, nous rangerons nos « troubles » dans un placard à
balaies ! Au fait, have you rent the bikes Gibus…et ri et ron petit
patapon ! »
Quels vélos ? fis-je piqué au vif. La derrière fois qu’on vous a vus sur un
vélo, vous aviez deux roues stabilisatrices à l’arrière et quoi le canal du
midi ? ( D’accord ce n’est pas très français mais là, sur le coup : j’en
avais rien à foutre! Les hommes courroucés se moquent bien de la norme
académicienne…pléonasme !)
Je fus boxé d’ un : « ta gueule » général et unanime dans le faciès. C’est
le cas de le dire…
Feeloo embraya :- Rappelle-toi… A la sortie du Rat mort… C’était bien quand
même… Depuis la France, aux vues de notre séjour linguistique en prison,
avait l’allure d’une boursière endimanchée…
- Oui…surtout l’endoscopie carceralus sous la douche …pas vrai Feeloo !
remémora Fabio
- Shut up… Je disais donc… au sortir du rat mort, La France nous a
laissés tomber… Les fonctionnaires zélés que nous sommes ont été rayé des
listes et renvoyé dans la sphère du privé lequel –je me répète- a contribué
à notre fortune actuelle. Gloire à la nomenclature Socialo-UMP et au
syndicat des patrons qui combattent, chacun dans son coin, à l’amélioration
de notre quotidienne léthargie franchouillarde !
- Toute relative que notre fortune ! dit l’inspecteur-pecteur lucide pour
une fois mais d’une voix de diapason rouillée.
-Shut up… Et souvenance je vous demande : Pour leur dire un va’ fa’ un culo,
à l’époque et pour nous laver de cet affront et changer de vie qu’avions-
nous pensé ? On se remémore les nazes :
Alors à chacun de réciter le psaume vengeur mais au faîte du véridique :
-Star academy !
-Sarkosy !
-Paris !
-Berlusconi !
-Jean Claude Narcy !
-Tapie et Tibéry !
Je n’avais jamais pensé jusqu’ici que la France était un pays de I… Jusque-
là, j’avais eu la chance de n’apercevoir la beauté du pays qu’aux filtres
des poésies comme celle de Rimbaud… « I rouge… »… Mais poésies et
politique ne font pas bon ménage ! Tout le monde le savait sauf moi
visiblement !
- Qué pays de « I »… Pays de bites oui et de « ismes » aussi… fit Gibus
remonté comme une horloge corse en préavis d’attentat :
- Masturbisme et Blairisme !
- Grenuoillisme et Bushisme !
- Caviar et socialisme !
- Catéchisme et Islamisme !
-Stop les gars ! fit Feeloo, les yeux humides de mélancolie mouillée.
C’était encore bien à l’époque… On avait pas encore tout perdu… Nos femmes
nous conservaient une once de sympathie malgré le chômage et la prison !
Et Gib tout guilleret, en ancien combattant du souvenir rassis:
-Oui mais nous n’étions pas encore allés à l’Octoberfest. Et Philosophe :
c’est là que ça a vraiment mal tourné… séparation, divorce, fin de vie
maritale et veuvage affectif !
Je fus piégé et submergé par une image de la fête de la bière, aussi
tendre qu’olfactive et je ne pus m’empêcher de la mettre sur la table à
débats :
- Vous souvient-il: Gib et les urinoirs accolés au comptoir …afin de ne pas
perdre une miette des litrons de bière que tout ce remplissage germanique
de longue haleine permettait d’ingurgiter sansl’anxiété des alcootests …Tu
avais dit : « J’en boirai jusqu’ au bout de la nuit »… Et et tu as tenu
parole !
-C’est bon les gars…Vous n’allez pas me la ressortir pendant trente
ans celle-là… J’ai déboutonné ma braguette 4 fois, sans gros dégâts si ce
n’est quelques éclaboussures de ci de là… mais la dernière fois… geste
machinal : j’ai oublié ma braguette…pas si grave, j’étais tellement imbibé
que je ne me suis même pas brûlé !
- Et Feeloo : -Beh moi j’étais plutôt content…I was happy: c’est la
seule fois où tu ne m’as pas pissé dessus !!! et ri et ron…
Que je vous explique en aparté ! Ce qui était injuste pour moi et en partie
pour Fabio dans cette histoire de sombre fête de la bière à Munich, c’est
que faisant partie du monde civilisé c’est à dire, du Mare Nostrum, il y
avait un hic de taille : nous préférions le vin, haut messager de la
civilisation la plus noble depuis la Haute Antiquité ! Mieux entouré,
j’aurais pu éviter tous les désagréments mais les regrets sont peines
perdues… Ils ont l’odeur de l’urine au houblon sur le pantalon de Feeloo !
Donc, pour faire court et pour résumer, je vous disais que suite à notre
expédition Munichoise, nos femmes ont décidé de prendre de la distance, de
s’accorder un recours gracieux, de nous infliger une chute libre à cause
du syndrome de Munich (inversement proportionnel à celui de Stockholm!) et
faute de parachute dans la bouteille, de devoir rebondir et grimper les
parois de verre de l’alcool avec Fabio en premier de cordée ( c’est vous
dire si on a souvent rechuté!)…pour finir par devenir ces jeunes et
vaillants et fievreux patrons –tendance Figaro madame- un peu arrogants
(quoiqu’ avec un soupçon de délabrement dans la gorge !) grâce à notre
concept de Sorbets aux vins de Navarre et d’ailleurs( nous n’étions pas
racistes pour deux sous !) qui faisait un tabac chez la bourgeoise
Marseillaise « encagolée » !
Et grâce à la vieille du dessus, la connaissance du gérontophile Gib
(connaissance innocente et sereine qu’il disait ! nos oeils…), tirée au
sens propre comme au figuré, à quatre épingles par le docteur
Jeterefaistout de Surtoulavulve ( Ben quoi : Il y en a bien qui
s’appelle Galouzeau de Villepin ou Giscard d’Estaing et ça ne vous choque
pas…pourtant c’est ridicule !). La gonze fardée de rides, dans sa
mansuétude, nous avait loués pour trois fois rien enfin pour des prunes un
cabanon qui jouxtait le petit port du Vallon des Aufres… Un coin de paradis
au milieu de ce parapluie infernal qu’est la cité phocéenne !
NB : Le dernier paragraphe est pure invention de l’auteur. Nos femmes
riches d’amours et d’expériences de la vie nous ont conservés amour
fidélité et sens du réel…et ce malgré nos frasques belges et allemandes. Le
dit paragraphe servant juste à stigmatiser le couple moderne dit aussi
couple de lotissement– qui monotonie oblige, se convainc de divorcer plutôt
que de s’accrocher !- mais aussi l’inventivité rétrograde et imbécile des
théories d’abandon, de résurrections sur la quarantaine, type chienne de
gare et autres târeries de même genre… Et si ça ne plaît, je trinque à
votre santé et je demande à Gib de vous faire une conférence ennuyeuse sur
le sujet : vous allez voir ce que vous allez voir ! Excusez le pis aller
mais c’est bon pour le déroulement de mon histoire baroque ! S’il fallait
rester dans la réalité alors !)
Moi. Je commençais à flancher face à la dynamique de leurs arguments. En
catimini, Fabio me fit signe de le rejoindre alors qu’il ouvrait une
bouteille de Bordeaux Grave blanc de 1999…l’air de rien.
-Ecoute Philou… J’ai en main l’as gagnant: je coupe et après tu ne pourras
pas refuser. 300 bornes à vélo c’est long mais pense un peu que sur le
chemin de hallage, on trouvera toujours 3 hollandaises à pister, à flairer
et à tripoter… Tu y a pensé ?
- Non
- Tu manques d’imagination…C’est ce qu’on te dit toujours !
- Trois bataves…Oui mais on est quatre si je ne me trompe !
-On s’en fout… Ils y en aura toujours deux belles et une moche.
- Pourquoi y aurait-il un moche ?
-C’est mathématique, me dit Fabio de la Fare de sa voix de gargouille
chaspée de Notre Dame, remugles de son expérience parisienne du côté de
Bercy, rappelle-toi le lycée. La belle va toujours avec le boudin ! Donc
étant donné, qu’il y en aura deux super bonnes, la moche sera vraiment très
moche et devine qui va s’occuper des belles ?
Comprenant la démonstration, je lui fis discrètement signe : « toi et
moi ». Il acquiesça de son menton farfelu puis lampa adroitement une gorgée
de vin m’indiquant, en sous-entendu, les deux autres… pour le challenge
laideur.
- Tu crois qu’ils vont y arriver ?
-Je ne sais pas trop ! Pour ce qu’ils en font…. Ca leur suffira bien…enfin
chacun son tour ou deux par deux… De toute façon, on s’en fout…Ils feront
toujours mumuse, joueront à touche pipi. Ca leur rappellera leurs années
collèges et le pensionnat Dechavanne. Nous, on aura de quoi occuper nos
mains de guitaristes «experts es langues » avec les deux tulipes au Goudat!
-J’aime bien les maths quand c’est expliqué par toi !
-Phi…Tu veux pas finir comme ces cons non !( Vous avez reconnu Gib l’élève
de Shopenhauer! Ce qui compte c’est le comique de répétition): Faut pas
boire, pas fumer, pas baiser ! Ils vont avoir l’air malins quand ils
mourront en bonne santé ! Puis énigmatique : - Moi, il faut que j’aille
voir la mère de notre taulière.
Un « pardon, la chère mère de ta maîtresse ! » fusa, comme la morgue du
vent…
- Non la taulière et soyez reconnaissants !Sans elle, où aurions-nous
trouvé un local à sorbets ? Je dois convaincre la mère Alzeimer de lâcher
la grappe à la maréchaussée. C’est que la mèmère… elle téléphone tous les
soirs à l’Evêché parce qu’elle veut faire une déposition, un témoignage
citoyen et dénoncer les flagrants délits.
-Comment fait-elle ? Elle ne sort pas du salon !
-Justement elle fait dans le témoignage télévisuel…. Elle prévient les
flics, elle les tance de se dépêcher… d’intervenir au plus vite… de
prévenir Navarro, Moulin ou Julie Lescault…les coupables sont à l’écran.
Ils n’en peuvent plus les condés !
Dans la folie du moment, retransformant la conversation à son socle
antérieur et initial(c’est qu’il a du mal à suivre plus de 5 minutes une
discussion, aussi sérieuse soit-elle le rosbif !) Feeloo de Cavaillon de
rembrayer :
- On va faire du vélo… C’est du sport je crois… D’ailleurs, j’ai
une idée… je vais aller demander au loueur s’il peut nous concocter un
système à trois gourdes !
-Pourquoi trois gourdes ? Fabio t’en a déjà réservé une moitié originaire
de Hollande…
-Ben c’est simple: une gourde pour le blanc, une pour le rosé et une pour
le rouge.
Fabio dans la nonchalance de l’instant trouva bon d’ajouter :-Et une pour
le champagne vous y avez pensé, à côté du klaxon . Ca se tient non ?
- T’as raison Feeloo… comme ça on va pouvoir continuer à travailler, à
imaginer de nouveaux parfums et donc de nouveaux sorbets…Foi de Gibus, on
se fructifie nous-même sans en avoir l’air!
Et de Fabio : - On pourrait même faire des parfums et des mélanges de
couleurs je veux dire.
-Bon, fis-je goguenard, c’est bon les gars, on part quand ? Vous avez gagné
Mais surtout remballez votre psychisme, je ne veux plus le voir…je n’en
Peux plus ! Cachez-le non de Dieu !
Quand je pense et je vous le dis à vous lecteur in fabula … que ces trois
cons n’ont jamais voulu monter le Ventoux- me traitant de malade mental
irresponsable et coupable (sic !)le matin du premier de l’an et que
maintenant, ils veulent se faire une promenade Adge-Toulouse à bicyclette.
Il manquerait plus qu’on y rencontre Justin et puis Firmin…
Ah quel cauchemar de fortune! Surtout lorsque Gib renchérit d’une voix
jubilatoire :
-Départ demain matin 8 h heures Parisienne !
Après l’apéro heure marseillaise !
Puis comme un écho lointain… si bien que je ne savais plus s’il prononçait
sa maxime ou bien si elle était l’expression vocale et fantomatique des
voix d’hier :
« Allons-y les gars et subjonctif ! »
Annexes
Une femme cherche un cadeau pour l'anniversaire de son mari. Elle se dit :
" Pourquoi pas un animal de compagnie ?"
Elle rentre dans une animalerie et tombe en arrêt devant une grenouille
affichée à 10 000 euros !!!
Elle demande au vendeur ce que la grenouille a de spécial pour valoir ce prix.
Le vendeur répond : -" C'est parce qu'elle fait les fellations comme une déesse".
La femme se dit que c'est vraiment original et qu'elle fera plaisir à son mari
car elle n'aime pas trop faire ça..
Et hop, elle achète la grenouille emballée dans son bocal.
Le soir, elle l'offre à son mari, lui souhaite de passer un bon moment et va se coucher.
Elle s'endort et se réveille à 3 heures du matin. Son mari n'est plus
devant la télé mais dans la cuisine, avec de la farine partout, des bocaux ouverts,
la sauce tomate sur le tablier, un cassoulet qui mijote
.sous les yeux grands ouverts de la grenouille.
La femme s'écrie : -" Mais qu'est-ce que tu fais ???"
Le mari répond :
Je lui apprends à faire la cuisine, et après tu te CASSES !!!
AU BAL DU RAT MORT
Quand Gib se présenta devant chez moi, avec son Berlingo mauve, Fabio et Feeloo
étaient déjà là, installés confortablement dans la position du saumon qui attend le frai. Pas
vraiment prêt, j’étais bon dernier. On n’attendait que moi, toujours un peu mal foutu, en retard
de la vie. J’avais perdu mon K.way et la Belgique, en deuxième semaine de mars, on est sûr de
rien si ce n’est de la pluie ! En m’ asseyant à l’arrière, j’essayais machinalement de m’approprier
l’habitacle- plus de mille kilomètres, valait mieux se sentir à l’aise, en phase avec les éléments ! -
et les objets épars qui lui donnaient, dès le premier coup d’œil, une âme incertaine quoique
rassurante. En effet et bien que flambante et neuve, la bagnole avait ce je-ne sais-quoi du
familier d’un salon…d’un boudoir qui aurait vu passé une somme d’existences savonneuses ou
savoureuses. Le tableau de bord et la plage arrière rivalisaient de choses saugrenues, austères,
curieuses ou simplement secrètes…
L’ambiance de la route résonnait déjà dans ses placards électrisés qui, comme sous la fureur
d’une fièvre ménagère, claquaient sous le vent énervé de l’encore hiver. Pour le retard, je ne
m’excusai tout de même pas, ils pourraient le prendre mal ! Je ne sus que prononcer comme
un peu absorbé :
« Mes amis oublions la servilisation, à partir de maintenant et ce pour trois jours Ostende, nous
voilà ! « Le bal du Rat Mort » accroche-toi ! Tu fais l’effort de nous recevoir. Soyons digne de
l’honneur insigne et des lambris qui virent briller le grand Ensor, Edgar Quinet et toute cette
clique de joyeux drilles ! Sache-nous faire oublier, Ô bal, la saccade des secondes qui nous
éloigne de cette jeunesse vengeresse laquelle, perfide, nous abandonne sans regrets. »
Gib fit part à l’escadrille : « Il a pété les plombs ! ». Puis : « On y va les gars ! ».
Fabio, carriériste aux impôts et Sarkoziste moins par raison que par conviction, rappela le deal
de départ, démontrant par de la même, la rigueur toute militaire de notre administration : « Alors
les gars, pas d’objets inutiles. Je récapitule le paquetage : une brosse à dent, le déguisement,
1.
quelques spécialités culinaires, du vin et des clopes et la route contre la routine…et basta, du
nécessaire capito! Feeloo ta guitare est dans le coffre ? »
Feeloo, appelé aussi « Deux mains gauches » par les puristes car s’il est prof d’anglais à ses
heures perdues, il travaille sans relâche le jazz à la guitare et à temps complet ( sauf quand sa
femme le violente avec le jardin, le potager, les confitures et la piscine)… enfin bon il acquiesça
et indiqua sans user de sa salive British, le nord sur son couloir tapissé de bitume.
Dubitatif, le juge, enfin Fabio, reprit la parole : « Il va de soi que nous ne vérifierons pas les
bagages mais les contrevenants au règlement seront immanquablement condamnés à payer à
boire sur le parcours pour dédommager le surpoids engendré pour le char de Gib. Exemple de
choses inutiles : de l’eau…On a pas pris de pastis ! Compris… ».
Je vous l’accorde, la quarantaine qui nous tombait dessus comme un orage en Provence, ça
faisait un peu désordre pour ce genre de virée. Les trentièmes finissants plutôt que les
quarantièmes rugissants qui vont au balleti, c’est pathétique et saugrenu aux dires de nos
femmes respectives, qui nous avaient néanmoins délivrés un bon de sortie pour je cite :
« ciseler notre cirrhose ! ».
Dans ce pays d’experts en tous genres, elles écoutaient décidément trop La Cinquième et le
supplément magazine de la MGEN ! Et nous la bouteille mais ça il valait mieux le taire ! Et pour
vous montrer notre indifférence face à l’opinion générale et au tout TF1, je vous rebascule dans
la voiture au moment du serment.
J’ avais dans mes poches des petits papiers sur lesquels je notais des filets d’écriture, des
extraits de vie couplés en refrains, des bribes d’idées volées et des mots qui consonent
poétiques puisque je ne connaissais que la manière empirique et brouillonne d’apprendre…Une
bricole de bibliothèque voyageuse en somme ! Sur l’un d’eux, j’avais consciencieusement
recopié le serment des créateurs du Rat mort au cercle Coecilia en 1896. Je vous passe
l’apprentissage famélique. Mes amis savent si peu lire et écrire, alors mémoriser, pensez un
2.
peu ! Ils préfèrent picoler ! Pour faire plus solennel et conjurer la vie triste des gens sans alcool,
nous fîmes glisser le toit en liège d’un Tavel, qui put ainsi respirer. Oh pas longtemps !
Un air de fête et la machine cambrait ses grandes ailes marines. La cale où nous étions
accoudés était un estaminet improbable à l’écart du temps. Dans le phonographe-CD, Fabio
glissa « Les étrangers, adossés au destin de la rue » du vieux Léo…
Alors se dégrippa l’écho assermenté de la bande à Ensor, bien que brinqueballé, aux vues de
nos capacités, je vous l’ai déjà dit, je crois ! :
« Par le ciel et par la mer
Par le vent et par les vagues
Par Ostende
Je fais le serment
En entrant dans cette confrérie
De me conformer à ses traditions
De célébrer le Rat Mort
D’assister à chaque
Cérémonie rituelle
Chaque fois que je le pourrais ».
Pour accompagner le Tavel, des morceaux de fougasse à l’anchois égayaient nos palais
inassouvis mais divinisés. Ah quels pauvres attributs ! Gib, qui conduisait, un peu sevré il est
vrai, me dit « Ah Phi, j’ai enregistré sur Inter la chanson de Lafcadio. J’aime bien la première
strophe. Elle fait comment déjà…Ah oui…
Il existe, paraît-il, du côté d’Ostende
A mi-Carême, au Kursaal, une fête chatoyante
L’esprit n’y est pas encore, tout à fait lettre morte
On peut y être personne ou bien un autre. »
Je complimentais sa mémoire moins poussive pour une fois puis je poursuivis :
« Là, les invités ne viennent que masqués
L’humaine condition se laisse enfin fréquenter
Nous sommes machinés d’une telle étoffe
Que nos pauvres mensonges si peu nous déforment »
3.
Feeloo, qui écoutait concentré comme pour tout ce qu’il faisait, releva : « Vous croyez que nous
serons bien reçus ? ». Le temps dans sa robe de chambre passait, comme suspendu à la
chevelure de l’ A 6. Il avait le goût de l’enfance et de ses caravanes aux rêves des avenirs
radieux. Le Meursault s’adaptait à merveille à l’affaire !
Vers Chalon, on fit respirer la tire, fatiguée comme la chaudière de la Mère Michel. Dans le resto
Grill, Gib matait la barmaid en répétant à Volo :
- « Je lui boufferais bien le persil et le basilic à celle-là ! ».. Fabio, lui demandait du feu toute
les cinq minutes, le briquet violé dans sa main gauche. Feeloo, trouvait lui, que ses seins
sentaient la confiture d’orange. Et moi, je ne disais rien comme étranger à mes sentiments. Je
gardais mes visions elliptiques, style les filles sont toutes belles, il suffit de savoir les
regarder ! « Ca vous la baille belle les gars ! ». Je ne sus que bredouiller à l’adresse de Feeloo
que la confiture d’orange c’était bon pour les canards ! Vexé et un peu anglophile, il me fit
remarquer qu’il aimait ça, lui, la confiture d’orange.
Alors Gib lui assena un : « Alors tu es un canard ! » définitif.
Je passe les épisodes tout aussi glorieux, entre Dijon et Troyes, baignés de Hautes Côtes d’un
ferrailleur bordelais, pour nous concentrer sur les moments de dissertation, j’entends par-là, la
découverte puis la justification du déguisement. Le tirage au sort avait désigné dans l’ordre
Feeloo, Gib, Fabio, moi enfin …« Moi dit Feeloo, Les frusques à la main, sorties d’on ne sait où,
enfin pour le moins de dessous le siège avant, j’ai décidé d’incarner le frère de Lady Macbeth. »
et il suspendit la course de sa voix, rasséréné par son effet… Ebahis que nous étions devant ces
nippes vaguement Renaissance mais franchement sales ou usées, nous attendions la suite. « Eh
oui, j‘ai toujours voulu faire un doctorat sur la famille Macbeth mais à la fac, pour trouver un prof
qui prend des risques quant aux angles de recherches, tu peux toujours courir ! Alors j’ai choisi
le brother. Je le trouve plus sympa. Au luth, il jouait déjà ternaire, j’ai lu ça quelque part. »
Fabio eut cette digression un peu étrange:- « Moi j’aurais bien voulu la connaître Lady Macbeth.
4.
Mis à part son problème de pouvoir, je suis sûr qu’elle n’aurait pas aimer le Bigdeal, les strings,
les tatouages, les piercings, les soutiens-gorges transparents, les portables et le Cop Boulogne
du PSG enfin tout ce qui en dit long sur la bêtise humaine. Je suis sûr que dans sa bâtisse
intérieure ça devait tirailler grave et puis au lit, ce devait être un sacré bon coup ! ».
Gib confirma « Enfin, c’est ce que dit Macbeth, le mari, sinon il n’aurait pas trucidé ce pauvre
Duncan. ». Feeloo, satisfait comme un Britannique à Arcachon, se prépara une tartine de
confiture d’Orange sur un reste de fougasse à l’anchois (Pot de confiture jugé – je précise pour
nos biographes- non conforme par l’équipe, ce qui lui coûta d’ailleurs un pot à Charleville-
Mézières au comptoir des « Reparties de Nina ». Il voulut même payer à boire à un jeune
bougre qu’il prit pour Rimbaud).
Désertée l’autoroute, la nationale accompagnait maintenant notre errance…« Moi… » dit Gib.
Nous étions alors à la frontière. Il tenait du bout des doigts une perruque du plus mauvais goût,
jamais connu jusqu’alors.
« Moi, c’est simple, je vous le dis les gars. je m’habille en Jeanne d’Arc … »
Piqué, Fabio l’interrompit : « Ah parce maintenant elle a des origines Arméniennes Jeanne
d’Arc avec des cheveux blonds platines en plus, pas vrai ? » .
Comme un œuf saisi dans la poêle, Feeloo répétait une rengaine : « Joan of Arc…. Joan of
Arc…. ». Toujours ternaire le Feeloo !
Sentencieux, Gib reprit « Je vous emmerde les gars. Cette gonze, elle était éthérée, un peu
absente, évanescente et chaude… surtout sur la fin et pas emmerdante en plus …Le contraire
de Cathy quoi ! Et puis ma perruque elle est couleur pastis…sans eau ! »
Fabio conclut l’épilogue «Ô Gib rendors-toi ! ». Feeloo avait mal au cœur. La Nationale longeait
la mer des Flandres. La voiture, dans l’aube traînante nous offrait sa véranda mouvante sur le
grain grisâtre de la mer. Il n’y a pas d’âge pour se perdre et s’oublier, perdre de vue nos
intérieurs qui tout au mieux, tout au plus, nous minent et gaspillent le meilleur de la vie. On
5.
s’alimente de nos peines au jour le jour ! On avait tout entendu du partage, on nous l’avait seriné
même que tout le monde en parlait mais que personne n’en voulait vraiment. Mais à l’instant
présent, ça ne nous gênait pas trop de partager. Nous ne craignions plus tout à fait la réalité !
L’ habitacle, en ce petit matin morne si propre au voyage, avait l’air d’une cuisine après une
rave party dans un F3. J’étais bien ! Il ne me manquait que la présence tiède de ma femme,
collée contre moi dans la pénombre de notre lit nuptial.
C’est à Ostende, dans un bistrot sur le port, que Fabio dénoua les contours de son
travestissement. Un petit rougeaud nous servit des cafés- crèmes… et des moules-frites :
« Vous voyez les amis, m’est revenue en mémoire une image bâtarde et c’est précisément cette
image que j’ai voulue incarner. Rappelez-vous ! Quand Madelin, en Afghanistan, a rencontré
Massoud…Le Commandant un peu rouge. C’était Ubuesque…je veux dire ce pantin UMP de
Melun, ce libéral à deux balles qui rencontre un moudjahidin valeureux. Aussi pour dénoncer
cette image contre-nature qui me lamine l’esprit, j ‘endosserai ce soir un costume trois-pièces –
dans les bleus-gris de nos lâches cul-terreux de politiques et du tout venant journaliste, de
passage au 20 heures- avec le Pacol afghan…
… Voilà je serai donc le clone de Commandant « Madelin- Massoud », un être d’ombre et de
lumière, un mélange de cuisine anglaise à la sauce pakistanaise…C’est irrévocable et je vous
dis un énorme : « Va’ fa’ un culo » ! ».
Enguirlandés de silence est l’expression qui résume le mieux notre commune réaction. Je notais
au passage une série de bijoux qu’il comptait mettre avec son habit (colliers, bagues, bracelets
représentants des guillotines mais je sus adroitement éviter l’ écueil).
Le bar s’appelait « Les 4 z’amis ». Ca tombait bien ! Nous attendions une certaine Yvette de
Crécy (« Bonne, ma foi » avait dit Fabio), qu’il avait connue aux Impôts, mariée - maintenant
divorcée- à un syndicaliste des Finances ( Nous ne savions pas que ça existait !).
Elle comptait venir s’installer dans le Sud de la France du côté de la Sorgue. 6.
C’était par son entremise que nous avions obtenu le précieux sésame pour le bal du Rat Mort.
Elle se fit longtemps attendre, tellement que Fabio voulut vivre « en live » la chanson du tandem
Ferré/Caussimon « Comme à Ostende », surtout la troisième strophe quand il s’agit d’aller à la
recherche facile « de présences féminines surtout quand on est saoul ». Elle se présenta sur les
coups de 19 h. Nous étions en symbiose avec les habitués du bar. La guitare tournait de mains
en mains sous le tonnerre des applaudissements des poivrots qui accompagnaient nos
tournées arrosées. Avec Fabio, nous avons proposé nos deux titres de légende des 31
décembres : « Dentro la tasca di un qualunque mattino » suivie de « Cara ». Feelo embellit
l’Emily de Bill Evans et Gib voulut absolument raconter l’histoire du loup et du petit Chaperon
rouge, revisitée par ses soins, il y a un lustre, au bar des Mille .
Alors que nous jouions au barbu, Yvette pénétra dans le troquet dans un châle de beauté qui
transforma nos intimités en places publiques !
Les présentations faites, cette divine marquise nous demanda des précisions quant à nos
transformations respectives. C’est à ce moment là que mes trois compères me regardèrent et
soufflèrent d’un seul poumon : « Et toi tu t’habilles comment espèce d’abruti de cachetier ? ».
Je me vois encore leur répondre : « Vous allez bientôt voir ! Il est l’heure d’aller se changer ! »
sans plus de considérations pour leur aussi mal tournée que malsaine curiosité.
Yvette partie se parer, nous engageâmes le Berlingo sur le parking du Kursaal.
Ce n’était plus qu’un camping-car branlant, chacun enfilant ses guenilles à la va-vite, à qui
mieux-mieux… enfin à l’emporte-pièce. Ca craquait sous toutes les Coutures. Yvette revint vers
nous à 20 H 45 tapante, avec une bouteille de Romanée-Conti et deux bouteilles de champagne.
Vraiment charmante cette fille ! Nous trinquâmes, les poignets douloureux. En aparté, elle me dit
que son père possédait une bâtisse qui dominait la mer dans la ville où j’habitais :
« La villa des Tours, vous connaissez ? Je m’y rends à l’occasion. Peut-être nous reverrons-
nous ? ». Oui, je connaissais cette villa un peu creuse mais fière de ses atours. Je passais des
7.
longues heures d’été adossé à une poubelle de son ponton. J’y regardais le monde qui
vagabonde et consomme et les enfants péchant l’espoir de festins modestes.
Dubitatif, Madelin-Massoud me regarda : « Tu crois qu’ils vont te laisser rentrer comme ça ! ».
Feeloo grogna un jugement à peu près semblable.« Oui, je crois ! »…
Sur la digue, la mer du Nord se mouchait à nos pieds. Indifférente, elle faisait face aux
urbanités. Le Rat mort ouvrait ses lourdes portes pour offrir ses soins palliatifs, s’apprêtant à
déguiser nos paupières de papiers. Sans faillir, le vent du Nord jugeait de notre duplicité. Je
nous voyais tous les quatre avec la frêle Yvette et me demandais si de ces loques pouvaient
émerger quelqu’un d’autre, un peu mieux, moins miteux, moins en souffrance en tous cas ?
Jeanne d’ Arcménie souleva ma rêverie. Feeloo Macbeth triturait son médiator et Fabio pensait
au flacon de Romanet, orphelin de son liquide, avec des regrets de crocodile, se demandant si
la Crecy en avait encore en cellier. ( Le vin, en aparté, c’est le seul monde dans lequel on peut se
perdre, se disait Fabio ! ») Une femme à marier assurément…
Donc, entonna Gib, les jambes flageolantes : « Allez les gars, essayons pour une fois de
ressembler à ce que l’on montre. Vous avez vos invit’ ? Ok, Phi… tu comptes rentrer comme
ça ? Si on te laisse rentrer, je mange un rat ! (Ca tombait bien en fait). Bon allons –y et respect
les gars et subjonctif ! ».
TAPE
« Ma chère amie,
Depuis quand entretenons-nous cette relation d’amant- maîtresse ? Douze ans et des poussières…
Tatillonne comme je vous connais, je vous vois préciser 4095 jours et- à ma montre- 2 heures 39 .
Je vous suis gré de m’avoir appris l’exactitude, grâce à votre manie de célébrer chaque minute,
de cette rencontre qui – vous le dites -nous comble ! J’en doute parfois…pardonnez-moi, je
vous trouve exagérée !
Bon le support parlons-en ! Il vous surprendra. Plutôt que de vous envoyer une lettre imparfaitement
orthographiée : Vous me connaissez et je les connais vos mous de petite fleur mi-excédées :
« Je ne supporte pas les fôttes d’orthographe ». J’ai opté ainsi pour la cassette et l’ enregistrement
sonore épistolaire. Vous savez comme j’aime inventer…tout à mon art sommaire…Souriez !
Et puis ce vouvoiement n’est que de circonstances et j’alternerai entre le tu et le vous au gré de ma
prose verbale ou verbeuse, c’est selon !Je vous entends d’ ici vociférer : « Mais il est fou ! Il déraille le
pauvre vieux !». Pourtant, rappelez-vous cet après-midi là sous la pluie où nos ébats se déclinaient
entre les sons des petits mots courtois de la politesse et de ces denses gouttelettes tombées du ciel.
..et de mon rajeunissement viril ! Je me souviens de vos, je vous cite : « Monsieur prenez-moi sans
tarder, Je suis comme du beurre dans une poêle chaude ! ».
Donc le temps est venu d’un premier bilan circonstancié, car si je sens bien votre joie de me tenir au
creux de votre bras, il n’en apparaît pas moins un léger malaise qui dit votre détresse de ne pas
m’avoir au quotidien. Je sens, diffus, l’impasse que représentent nos rendez-vous secrets sans plan de
carrières mariétal et familial . Hier encore, mon ami Hakim, fort à propos me disait entre deux coupes
de Heineken :« Le sexuel il n’y a que ça de vrai ! De quoi se plaint-elle ta dulcinée (Dulcinée, c’est
comme ça qu’il t’appelle. Charmant non !)? », remarque qui au demeurant ne manque pas d’un certain
panache convenez-en ! Moi, sachant que le mot sexe te déplait, je parlerai plutôt d’érotisme
exacerbé…c’est plus évocateur j’imagine, surtout quand j’ai souvenance de votre minou arrimé à ma
bouche exténuée, un soir de novembre dernier !
Allons-y gaiement ! Retenons les critiques masquées et tachons d’y répondre ! Vous me reprochez de
nous voir en coup de vent. C’est injuste, l’amour est éphémère ! Et pensez-moi dans l’avenir, moche et
vieux … même d’allure sereine…que feriez-vous de Ma Majesté ?
Vous réprimandez mon ancrage au présent, délaissant, dites-vous, dans un même élan nos souvenirs
communs sur les branches mortes du passé sans plus concevoir l’avenir sinon à l’aune du championnat
de foot et des copains. Ah, le leitmotiv ! C’est vrai mais dans copain, il y a pain….douleur et abandon.
Tout de symbolique religieuse et d’ existentiel qui vibre. Voyons ! Le présent est le lieu de nos
envies…je le constate chaque fois que mes mains s’égarent sur vos fesses, sur ton jolie cul bien
ferme…ô merveille des merveilles !
Comment vous convaincre de ma probité ?. Une maîtresse ne profite jamais que des arguments
positifs de son amant. Je vous l’assure…Point de cuistreries ni d’ennui ! Demandez–le à ma femme !
l’humour est chez moi seconde nature.
Le plaisir est d’autant plus intense qu’il est justement éphémère à mille lieux des encablures de la
routine. Nos parleries d’ avant et d’ après nos lits de pailles ou de sièges renversés de ta Twingo
ne s’éternisent pas sur le stress du boulot et du quotidien mais plutôt sur des rêves, de regrets
effleurés, de remords oubliés et de… nouvelles positions à essayer !
J’ ai entendu, plus d’une fois, ton dilemme et tes choix : « Partir ou rester ? » au cours de
nos entrevues de bureau, sur la photocopieuse. Dernièrement, ton trouble était visible. D’accord ta
position sur la chaise était inconfortable j’en conviens mais l’axe surprenant. Et au miroir , Ô quel
charmant tableau!
On a de haine que le poids de nos misères. Je sens poindre en toi une sombre flamme de Baudelaire.
Tu me voulais en présence aurifère. Et tu me retrouves à l’ espace gratuit de nos désirs. Insuffisant ?
pardi ! Je l’aurais parié…
Vois le bon côté des choses ! Tu n’as pas eu a supporter des promesses éternelles, mes mensonges
édulcorés… Ma grandeur d’âme ne t’offre que le meilleur de moi même !Je t’entends d’ici : « C’est pas
beaucoup ! » Certainement vrai au final mais c’est déjà ça. Sache-le quand même …en ne t’offrant rien
moins que mon corps, je t’ai évitée des jérémiades, des céphalées, une progéniture rampante qui aurait
englouti tes belles années et pour voie de conséquences les opérations esthétiques, un divorce sur la
quarantaine et l’humiliation d’errer en discothèque à la recherche d’un gibier frelaté pour tes nuits de
déprimes. Note tes copines, l’espoir s’est envolé dans sa cabane délabrée …
Ma chérie, prenons le problème à l’envers… Il suffit de regarder vivre ces couples tarifaires où tout a un
prix…l’amour à crédit, la baise deux fois le mois, l’appart ‘endetté, la tendresse sur son lit de détresse.
Pourquoi ? par ennui, par lassitude de soi-même plus que de l’autre ! Alors, on fait des enfants pour
ressouder les cicatrices puis on s’épargne soigneusement les sentiments dans la séparation. Ensuite,
on la joue concours de saloperies: que je te reproche tout et son contraire, on trinque sur des gosses-
témoins…Tu en veux des regrets entre fuite et léthargie ? A bien y regarder, les femmes aiment leurs
enfants, les hommes leurs maîtresses…Ainsi soit-il!
Belle-amie, cette fange-là, nous l’avons scrupuleusement évitée : pas de pacte, point d’erreur d’avenir,
rien de ces mots qui battent de l’aile. C’est magnifique !Tu es gagnantes à 110 %.Je vis dans ton sac
d’ imaginaire et j’ y demeure un mets de choix. Plus que de m’inventer, vous me réinventez et cela n’a
pas de prix. Les choses que l’on vit ne se mesure qu’à l’intensité qu’on leur donne ! Votre solitude
s’égaye sur l’émail de nos parties fines et vous en souffririez ? je n’en crois rien. Choyer plutôt cette
chance dans vos moments, seule. Le temps vous rendra juge d’une sentence équitable !
Peut-on réécrire nos déboires pour en faire des victoires ? Peut-on combiner deux malheurs pour en
faire un bonheur ? Certainement , Madame, si on y met un peu de cœur.
Voilà dit ! A l’orée de ta nuque …je vous aime Ton Marco adoré
PS : on se voit samedi à 18 heures, hôtel des Oeillets, chambre 304…histoire de ne rien Regretter !
N’oublie pas : mets la pancarte « Hôtel » devant la maison, colle le 304 sur la porte de la chambre
d’amis. Ah j’oubliais : pense à enlever ton alliance. La dernière fois, ça ne le faisait pas !La baby-sitter
viendra à 5 heures. Elle amènera les enfants aux parcs».
- « Qu’en penses-tu Hakim ? On l’écoute d’abord ou on la met dans l’enveloppe ? Je te trouve la
grimace dubitative. Il m’épate ce texte tout de diatribes et de flatteries…Quoi ? Qu’as-tu ?»
- « Tu m’avais dit : On lui fait du Du Bellay enregistré…les regrets et tout le toutim…pour
comment disais-tu lui faire comprendre les problèmes insolubles de ce lien fusionnel qui ne mène
à rien si ce n’est à un étouffement inexorable et tralala…. ».
- « Je me noie mon petit Hakim . Faut que je regagne la Poste ! »
- « C’est que je devais t’ aider un peu pour les tournures et la prise de son. J’ étais loin de me douter.
Tu écris à ta maîtresse ou à ta femme ? A ta femme! Comment fait-elle pour te supporter ! »
- « Elle doit m’aimer plus que de mesure ! »
- « A ta place, je la garderai. A la sienne, je partirai !
…Enfin vu qu’elle semble aussi tarée que toi je préfère ne pas la connaître !»
- « Hakim que tu es terre à terre ! C’était notre semaine littéraire. On se fait des « Trivial poursuite »
de l’amour. Ma préféré , la semaine géo. Les regrets, c’était vache comme thème !. On pimente la
plume de nos vies ».
- « Quel pari, quel trivial ? »
- « Ben la dissert ‘ c’ était coton : « Organise plutôt tes remords que mes regrets ! ». Ma
petite femme est friande de diablotinage.. Je me demande ce qu’elle me réserve d’ailleurs.
J’ai toujours rien reçu cette semaine. On est quoi mardi . Bizarre ! Elle est plus prompte que ça
d’habitude».
- « Les regrets éternels… mon petit Marco ! Jeux d’écrivains, jeux de vilains ! Bon je rentre.
L’OM accueille Paris ,si j’ose dire. 7 ème journée oblige, tu te rappelles ! ».
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